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Compétences à acquérir en mathématiques

du site (http://gerard.tisseau.free.fr )

Apprendre les mathématiques ne consiste pas seulement à apprendre des connaissances et des techniques, mais aussi à acquérir ou améliorer certaines compétences générales. Il ne faut pas perdre de vue ces compétences, car elles constituent des objectifs importants, souvent plus importants que le détail des connaissances.

Abstraire

Les mathématiques font un grand usage de l'abstraction, certainement plus que dans la vie courante et à un niveau plus élevé. Abstraire, c'est introduire des concepts généraux qui regroupent des cas particuliers, c'est étudier des ensembles d'éléments plutôt que des objets isolés. L'avantage de l'abstraction, c'est qu'on gagne en brièveté et en généralité quand on énonce des propriétés. L'inconvénient, c'est que plus un concept est abstrait, plus il s'éloigne de la perception humaine courante (c'est ce qui peut donner aux mathématiques leur image de discipline coupée de la réalité). On ne rencontre pas directement dans la réalité des «bijections» ou des «nombres complexes» (mais on peut rencontrer des objets qui peuvent être décrits et modélisés indirectement à l'aide de ces concepts). 
Il faut donc accepter que les concepts mathématiques soient abstraits et ne correspondent pas directement à la réalité, tout en sachant qu'ils peuvent être utilisés pour modéliser partiellement la réalité (et avec une certaine efficacité si l'on en croit les progrès de la technique). 
Maîtriser des concepts abstraits n'est pas toujours facile. Il faut d'abord comprendre ce qu'ils représentent à partir de leur définition mais aussi et surtout avec des exemples et contre-exemples, de manière à les rendre familiers. Puis, une fois cette familiarité acquise, il faut savoir utiliser directement leurs propriétés au niveau abstrait, sans forcément revenir au détail de leur définition. 
Les mathématiques introduisent souvent plusieurs niveaux d'abstraction : les objets abstraits peuvent servir de cas particuliers pour des concepts encore plus abstraits. On peut par exemple introduire des ensembles dont les éléments sont eux-mêmes des ensembles, des opérations qui s'appliquent à des fonctions, etc. En terminale, le concept de fonction est important mais il n'est pas forcément bien compris parce qu'il est abstrait. De plus, il sert de base à des abstractions de niveau supérieur comme le concept de limite qui sert lui-même de base à des abstractions de niveau encore supérieur comme ceux de dérivée et de continuité. 
Les notations mathématiques introduisent également des abstractions, par exemple avec l'usage des variables.

Associer

Les mathématiques ne sont pas un ensemble de connaissances isolées sans lien entre elles. Au contraire, il y a de très nombreux liens entre les concepts, les exemples, les techniques, les propriétés, et cela même entre des domaines apparemment différents, comme l'algèbre et la géométrie. C'est ce qui fait qu'elles forment une discipline cohérente que certains ont d'ailleurs proposé d'appeler « la mathématique ». Il faut connaître le plus possible de ces liens, être à l'affût pour en remarquer. C'est de cette manière que fonctionne le cerveau : par associations. Chaque lien entre deux concepts renforce la compréhension de chacun des concepts, consolide la mémorisation, permet d'évoquer spontanément un concept lié à un autre. 
Il ne faut pas apprendre les choses séparement, il faut constamment chercher à les relier à d'autres connaissances. Une connaissance qui n'est reliée à rien est vite oubliée et inutilisable. Les liens peuvent être de natures diverses, par exemple telle propriété implique telle autre, ou bien tel concept ressemble à tel autre sur certains points mais en diffère par d'autres, ou bien dans tel type de problème, on utilise souvent tel concept, ou bien tel exercice ressemble à tel autre parce qu'il utilise le même théorème, etc. 
En plus de créer des liens, il est bon de les grouper suivant certaines structures, par exemple des classifications, des synthèses, des résumés, des comparaisons. 
La capacité à associer les connaissances ne sert pas uniquement en mathématiques, mais aussi dans tout domaine. Un expert dans un domaine a créé de très nombreux liens qui lui permettent de dire parfois « tiens, ça me fait penser à ... » alors qu'un novice n'aurait jamais pensé à ça. C'est la base de l'intuition et des idées efficaces. Si vous voulez acquérir de l'intuition et des idées, créez de nombreux liens, structurez-les et utilisez-les souvent.

Calculer

Le calcul peut être numérique ou algébrique (formel, abstrait). Il faut d'abord bien connaître les formules vues en troisième, seconde et première : fractions, puissances, factorisation, développement, racines, identités remarquables, résolution d'équations et d'inéquations, dérivées. Aucun exercice ne peut se traiter sans une maîtrise minimum du calcul. C'est une technique de base en mathématiques. 
Il ne s'agit pas seulement de connaître les formules, mais il faut se familiariser avec leurs usages, en fonction des questions posées. Il faut penser à appliquer certaines formules même si l'énoncé n'en parle pas, il faut savoir quels sont les avantages et les inconvénients d'une formule en fonction d'un but. Par exemple si le but est de trouver le signe d'une dérivée pour étudier une fonction, il faut penser à essayer des formules de factorisation (parce qu'il est facile d'étudier le signe d'un produit en appliquant la règle des signes). 
La maîtrise du calcul améliore les qualités de soin, d'attention, de stratégie, de vérification. 
Si vous avez des lacunes dans ce domaine ou que vous faites souvent des erreurs, revoyez ces techniques en n'hésitant pas à remonter jusqu'au cours de troisième. N'en faites pas une question d'amour-propre : « Mais je suis en Terminale, je ne vais quand même pas revenir en troisième ! ». Il faut maîtriser les bases du calcul, c'est absolument indispensable, et ces bases commencent à la troisième, donc revoyez-les. L'expérience montre qu'une mauvaise maîtrise du calcul peut mettre en danger toute votre année de Terminale. Ce n'est pas un détail : en mathématiques, on ne peut pas se passer de calculs.

Démontrer

«Démontrer» et «raisonner» ne sont pas tout à fait la même chose. Démontrer, c'est construire un enchaînement d'applications de règles de raisonnement permettant finalement de prouver une propriété. Une démonstration a deux aspects assez différents : 
1) la recherche, la mise au point et la construction de la démonstration d'une part 
2) la communication de la démonstration d'autre part (la rédaction). 
Le premier aspect est de l'ordre de la «pensée privée», c'est ce qui se passe dans le cerveau pour finalement aboutir à la démonstration, qui est le produit final de cette activité. 
Le deuxième aspect est de l'ordre de la communication publique. C'est la façon dont on fournit aux autres la preuve de la propriété affirmée. 

Il y a ici un paradoxe, souvent caché quand on ne lit que des démonstrations toutes construites : la façon dont le cerveau s'y prend pour obtenir finalement un texte simple, précis et rigoureux n'est pas forcément simple, précise et rigoureuse. Les mécanismes du cerveau sont extrêmement complexes et ne sont pas assimilables à des enchaînements logiques de phrases mathématiques bien formées. Beaucoup d'autres phénomènes entrent en jeu, certains étant inconscients : des associations d'idées, des analogies, des intuitions, la mémoire, et même des émotions. Par exemple, face à un problème, certains élèves disent «ça fait peur», ce qui peut les paralyser, mais ce qui peut aussi avoir l'effet bénéfique de ne pas s'embarquer dans une méthode trop compliquée et de chercher une autre méthode. Quand on cherche, il arrive fréquemment qu'on se trompe, qu'on oublie, qu'on emprunte des fausses pistes, qu'on fasse des choses inutiles et compliquées, qu'on essaye des choses un peu au hasard, qu'on se laisse influencer par des idées analogues mais fausses dans le contexte, etc. Bien sûr, il ne faut pas faire absolument n'importe quoi et il est bon d'avoir des méthodes, des stratégies, de prendre du recul en cours de route pour faire le point. Mais aucune méthode systématique ne peut garantir qu'on va trouver les bonnes idées et les agencer dans le bon ordre, surtout lorsque les problèmes sortent du cadre des exercice types. 
Ce qui est cependant remarquable et rassurant, c'est que malgré cela on peut arriver à construire un produit public fini rigoureux à partir d'une démarche privée qui ne l'est pas toujours forcément (en tout cas pour les problèmes qu'on vous pose en terminale). 

Il y a donc deux écueils à éviter : 
le premier c'est de croire que le cerveau est censé obtenir directement la démonstration rigoureuse finale, 
le deuxième c'est de penser que la rédaction finale n'est qu'une trace de ce qui s'est passé dans le cerveau. 
Dans le premier cas, on risque fort d'être paralysé parce qu'on s'interdit d'utiliser tous les mécanismes du cerveau (surtout ceux qui paraissent «inavouables» mais qui pourraient portant être efficaces) et dans le deuxième cas on ne produit pas une démonstration conforme aux critères mathématiques de rigueur et de précision. 
En résumé, il ne faut pas s'interdire d'utiliser toutes les ressources de sa pensée privée lorsqu'on cherche, mais il faut s'obliger à respecter les exigences mathématiques de communication publique lorsqu'on rédige.

Lire

Quand on pratique les mathématiques, il est indispensable de lire des textes mathématiques (au lycée, il faut lire au minimum le cours, les sujets d'exercices et leurs corrigés). Or cette lecture ne va pas de soi. D'abord parce que ces textes peuvent être longs et que lire un long texte tend de nos jours à devenir une activité inhabituelle et considérée comme pénible comparée à d'autres moyens actuels de communication. Ensuite parce que cette lecture ne se pratique pas comme la lecture d'un roman, où la vitesse de lecture est à peu près constante et où il n'est pas indispensable de faire attention à tous les détails. Les textes mathématiques peuvent avoir des passages très denses et il faut parfois ralentir la lecture pour comprendre et mémoriser (ce ralentissement peut être extrême : il se peut qu'on ait besoin de passer un quart d'heure pour cinq lignes). Il faut conserver toute son attention car des choses importantes peuvent être dites en très peu de mots, avec des notations très concentrées, sans que l'auteur éprouve le besoin d'ajouter un commentaire signalant la difficulté et l'importance du passage. D'autre part les textes mathématiques sont souvent peu redondants, contrairement à de nombreux autres textes : quand une chose a été dite une fois, l'auteur n'éprouve pas le besoin de la répéter pour aider le lecteur. 
Cela ne veut pas dire que ces textes sont des modèles de communication (après tout, aider le lecteur dans sa lecture et sa compréhension serait plutôt recommandé), mais d'une certaine manière ils se suffisent à eux-mêmes : toutes les informations indispensables y sont. Il faut s'entraîner à lire et comprendre ces textes, en acceptant le fait que parfois la lecture doit être ralentie et s'apparente presque à du déchiffrage de message codé.

Raisonner

La pratique du raisonnement est une autre base des mathématiques, et celles-ci ont mis au point des techniques précises et rigoureuses de raisonnement, qui permettent de garantir que les déductions obtenues sont valides. Il faut connaître et maîtriser ces techniques, sachant que cela demande un vocabulaire et des concepts spécialisés, parfois assez abstraits ( par exemple : condition nécessaire, condition suffisante, réciproque, récurrence, disjonction, raisonnement par l'absurde, implication, existence, unicité, universalité). 
La maîtrise du raisonnement améliore les qualités de logique et de rigueur. Etre rigoureux, c'est toujours se soucier de vérifier que ce qu'on affirme (ou ce qu'on entend affirmer par d'autres) est démontrable en utilisant les techniques mathématiques de raisonnement, et ne pas hésiter à le vérifier en détail (et cela même quand on a un sentiment personnel de certitude). En mathématiques, on ne croit pas les gens sur parole (y compris soi-même), on demande des preuves.

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